Dans les faubourgs de Venise II – In the Outskirts of Venice II – Alla periferia di Venezia II
Rina Sherman
Cities & Elsewhere – Villes & Ailleurs : tableaux mouvants – Slow Cinema
HD, couleurs, 20 min, Paris, k éditeur, 2017
Dans ce deuxième tableau mouvant dédié à Venise, je tisse une réflexion sur les vies féminines dans la cité lagunaire, en convoquant le poème n° 24 de « Terze rima » (1575) de Veronica Franco – poétesse, humanitaire et courtisane.
La traversée de la Via della Libertà, ce pont qui relie le centro storico de Venise au continent, agit comme une ligne de fracture temporelle. La nuit surtout, un sentiment de mélancolie m’envahit à l’approche de cette ville suspendue, construite sur l’eau. Une cité qui semble éternelle mais qui, dans ses moindres détails, révèle les signes inéluctables de son effacement.
Venise est une expérience en strates, une superposition de mémoires personnelles et collectives. Lors de ma première immersion, en 1989, je me suis égarée dans les ruelles reculées du Castello sestiere. Là, sur une terrasse modeste évoquant davantage une maison privée qu’un restaurant, une femme m’a servi un plat de pâtes d’une simplicité bouleversante, un souvenir devenu fragment essentiel de mon imaginaire vénitien. Elle ne parlait pas anglais et restait à proximité, m’observant avec curiosité pendant que je savourais ce repas, dans une scène suspendue entre l’intime et l’universel.
À Venise, l’eau est omniprésente. Elle façonne une palette mouvante : le vert laiteux de la lagune, le turquoise opaque des canaux. Ce flux et reflux est à la fois décor et acteur, un écho des marins qui sillonnent les îles dans des gondoles, des bateaux-taxis et des vaporetti. Pourtant, c’est dans les marges de cette ville liquide que je trouve mes ancrages : les faubourgs, les îles, les recoins isolés. Ces paysages flottants, où le temps semble s’arrêter tout en s’érodant lentement, incarnent une forme d’éternité fragile.
À travers ma collection Cities & Ailleurs, je questionne l’immédiateté du temps : être ici, maintenant. Il s’agit d’habiter un lieu avec une pleine conscience sensorielle, de capter l’essence fugace du présent et de le rendre tangible dans une forme poétique et visuelle.
Villes & Ailleurs – Cities & Elsewhere: tableaux mouvants – Slow Cinema
Dans Villes et ailleurs, une collection de tableaux mouvants, je m’inspire des traditions des tableaux vivants de Louis XIV, des « tableaux vivants » de Delsarte et des activités de performance plus tardives des poses plastiques, ainsi que de la peinture de paysage et des premières photographies de paysage. Mon travail en tant qu’artiste de performance avec Possession Arts à Johannesburg au début des années 1980 alimente également les scènes fixes filmées dans Cities. Nos tableaux vivants, tels que Schreber’s Chicken et Rain, Steam and Speed, étaient montés sur scène et s’inspiraient de la transformation de scènes quotidiennes et de performances de durée, inspirées par des artistes tels que Philip Glass, le Wooster Group, Elizabeth LeCompte, Spalding Gray, Benjamin Patterson.
Dans les deux premières pièces de Cities, les images présentent des paysages quotidiens avec peu ou pas de mouvement et un son minimal : une porte qui se ferme, le cri d’une mouette qui passe, des pas qui passent… Dans le temps, le contrepoint entre le film, la peinture et la photographie, la référence à la réalité quotidienne s’échange avec des références à d’autres dimensions de la réalité. Les tableaux vivants naissent de cette transformation pour créer une narration vivante du paysage immobile en un geste chorégraphié en temps réel. Dans ce recueil, Rina Sherman explore son amour pour le paysage dans une collection de ciné-poèmes urbains et ruraux. Dans la rivière d’Héraclite, l’eau ne coule jamais deux fois de la même manière. Ainsi, ici aussi, le mouvement de ces paysages se prolonge à l’infini (2017).
In the Outskirts of Venice II – Dans les faubourgs de Venise II – Alla periferia di Venezia II
Rina Sherman
Cities & Elsewhere – Villes & Ailleurs : tableaux mouvants – Slow Cinema
HD, couleurs, 20 min, Paris, k éditeur, 2017
In this second moving tableau about Venice, I explore the lives of women in the city, interweaving Poem No. 24 from « Terze rima » (1575) by Veronica Franco—poet, humanitarian, and courtesan.
Venice is a city built on water, a place that feels eternal yet bears the visible marks of a fragile and transient existence. Each time I cross the Via della Libertà—the bridge connecting the centro storico to the mainland—I am struck by a wave of melancholy. Especially at night, entering this suspended world feels like stepping into a dream, timeless yet quietly eroding.
My first encounter with Venice, in 1989, took me to the distant streets of the Castello sestiere. I remember wandering until I stumbled upon a terrace that resembled a private home more than a restaurant. The owner, who spoke no English, served me an unforgettable plate of pasta, lingering nearby with an air of quiet curiosity as I ate. That moment has stayed with me, like a vignette preserved in amber.
Venice is a city of perpetual movement—the ebb and flow of water defining its rhythm. The lagoon’s milky green currents and the canals’ opaque turquoise tones shape a world of sailors and ferrymen, journeying between islands in gondolas, water taxis, and vaporetti. Yet my own connection to Venice lies not in its bustling waterways, but in its quieter peripheries.
I am drawn to its outskirts and islands, pausing in secluded corners where time feels suspended. These floating landscapes, shaped by the slow erosion of history, seem to exist beyond the grasp of the present. Here, the interplay of stillness and decay evokes an eternal choreography of transformation.
Through the Cities & Elsewhere collection, I focus on capturing the immediacy of time—on immersing myself in the here and now, and on translating the visceral sensation of presence into a visual and poetic language.
Cities & Elsewhere – Villes & Ailleurs : tableaux mouvants – Slow Cinema
In Cities and Elsewhere, a collection of moving tableaux, I draw inspiration from the traditions of Louis XIV’s tableaux vivants, Delsarte’s poses plastiques, and later performance practices, as well as from landscape painting and early landscape photography. My work as a performance artist with Possession Arts in Johannesburg in the early 1980s also informs the static scenes filmed in Cities. Our tableaux vivants, such as Schreber’s Chicken and Rain, Steam and Speed, were staged performances inspired by the transformation of everyday scenes and durational performances, drawing from artists like Philip Glass, the Wooster Group, Elizabeth LeCompte, Spalding Gray, and Benjamin Patterson.
In the first two pieces of Cities, the images present everyday landscapes with little or no movement and minimal sound: a door closing, the cry of a passing seagull, footsteps fading away… Over time, the interplay between film, painting, and photography shifts the reference from everyday reality to other dimensions of existence. These tableaux vivants emerge from this transformation, creating a living narration of the static landscape through a real-time choreographed gesture.
In this collection, Rina Sherman explores her deep connection to landscapes through a series of urban and rural cine-poems. As in Heraclitus’s river, where the water never flows the same way twice, the movement of these landscapes extends infinitely (2017).
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